L’atmosphère est alourdie ; non, ce n’est pas ça. Elle m’écrase, me compresse, mais n’est pas lourde, à proprement parler. La pression est plus forte, mais juste à un point précis, sur une petite zone : autour de moi.

Inspire… Expire… Inspire…

Je suis bloqué.

Dès que je me remets à parler, c’est la même chose, le même cercle infernal, le même cauchemar : je parle, parle, parle et ne respire plus. Expire… Expire. Expire, nom de…!

Mon souffle est tellement lourd… J’ai l’impression d’avoir expulsé un parasite, coincé dans ma poitrine, poids sur mes poumons. C’est comme si mon corps, frappé d’amnésie, avait oublié comment se maintenir tout en me laissant m’exprimer. Comment survivre. Comment s’alimenter. Comment…

…Voilà que j’ai le vertige, maintenant. Manque d’oxygène.

C’est quand même dingue : ce n’est pas la première fois que je monte sur scène, que je m’adresse à une audience, qu’un public me fixe, alors pourquoi ? Pourquoi, cette fois, troisième consécutive, je n’arrive pas à parler et respirer de concert ? D’où vient ce parasite gonflant mes alvéoles à les faire éclater, scellant toutes issues pour l’air emprisonné ?

J’ai l’impression de perdre en volume, compressé par l’ambiance, mes pensées ; articule, bon sang ! Même assis, rien n’y fait : je souffre, expirant violemment tous les X mots, silencieux un instant pour tenter, désespérément, de reprendre mon souffle…

Inspire… Expire… Inspire…

…Expire.

C’est fini ; j’ai fait ce que j’avais à faire. Pas d’applaudissements pour ce soir. Encore heureux : je ne les mérite pas ; pitoyable performance que celle-là ! Descendu des planches, j’échange quelques mots, en coulisses, avec la metteuse en scène ; étrange… Voilà que parler tout en respirant ne me demande plus le moindre effort.

Vraiment… Pourquoi maintenant ? Juste parce que je me pose la question, là-haut, face au monde, mais pas ici ? C’est… C’est délirant. Frustrant. Vraiment, n’importe quoi. Corps, cerveau à la noix ! Ne t’avise pas de poursuivre dans cette voie : la prochaine fois, cela n’arrivera pas !

…Du moins, je l’espère.